Francisco KOCSIS

Une porte ouverte

 

– Tu vivras encore quelque temps

avant de connaître ta fin

que tu te prépares toi-même.

 

tu es un homme, moi non.

Il n’y a aucun contrat entre nous ;

le seul exemplaire que j’aie écrit

sur pierre

il n’y a que moi qui l’ai signé,

tu n’en a pas accepté les conditions –

chaque jour la distance

entre le sens de nos paroles augmente…

 

Je suis une porte ouverte

que tu ne peux contourner

pas même par la mort.

Tu ne trouveras aucun concept

qui conteste l’évidence,

les synonymes ne font qu’accroître la consistance

de ce générique ancestral.

 

Dialogue avec le poète Aurel Pantea,

à l’autre bout du fil

 

– Que fais-tu, mon vieux, comment tu supportes

ta brèche de réalité – j’écris, c’est-à-dire je me laisse envahir

par les signes qui prédisent

un autre type d’enchaînement, – c’est bien, si tu écris

c’est que tu ne te laisses pas vaincre,

que tu ne te rends pas – je me suis rendu depuis longtemps,

sauf que la réalité ne le sait pas

– ce n’est pas possible,

la réalité n’a pas besoin de prisonniers,

de déserteurs, de morts imaginaires –

écris sur cela, – je ne le peux pas aussi longtemps

que ma vie aussi aplatit l’absurde

d’illusions, aussi longtemps que je joue avec la pensée de choisir

entre la mort et elle – la réalité est subjective,

elle a une conscience et s’en fait des problèmes –

nous ne sommes pas égaux, chacun supporte comme il peut

sa portion de précarité.

– Écris sur cela aussi,

avec compassion et acceptation.

 

Octobre 2004

 

Des yeux luisants flottant dans le brouillard,

aucun corps saisissable aux alentours,

les sons n’ont pas de cohérence, peut-être ils n’existent même pas,

mais l’esprit fébrile essaie de les ordonner

dans un sens qui range la terre sous les plantes des pieds,

postule la réalité des sensations

et la matérialité du monde,

 

alors j’entends des branches d’encre de Chine craquer sourdement

comme sous des édredons épais de laine,

quelque chose passe tout près

et l’eau sous la peau

se fronce de froid,

 

les hiboux sont eux aussi impuissants,

le brouillard s’assied sur leurs yeux

et il n’aperçoivent pas le gibier,

leur chant triste remplit la marge du monde

dont on n’a pas encore coupé les arbres -,

 

le cœur met en marche ses sonars

et scanne le chemin vers chez soi.

 

Version française: Letiţia Ilea