Radu DEMETRESCU GYR  (1905 – 1975)

Poète représentatif, Radu Gyr semble avoir été baptisé dans la souffrance tout en restant l’expression la plus pure du trésor de foi chrétienne des Roumains, eucharistie de chant de la larme même de ce peuple.

Professeur universitaire, le poète connut le régime des prisons dès 1937, il fut condamné à la mort, peine commuée en travail forcé à la vie.

De sa souffrance il en fit chant, en devenant en même temps pour ses confrères de prisons des enfers rouges support moral et haute prière ainsi que Jésus-même entra dans la cellule pour lui ( pour leur) être plus près.

Il fut  libéré en 1963.

 

CETTE NUIT JÉSUS…

 

Jésus entra dans ma cellule cette nuit.

Qu-Il était triste, qu’Il était haut mon Christ !

La lune se glissait derrière Lui

Et le faisait beaucoup plus haut, plus triste.

 

Ses mains, aux lys sur des tombes en ressemblaient,

Ses yeux profonds  –  aux forêts de sapins.

Son habit – voile de lune, argenté,

Argentées les blessures de Ses mains.

 

Je me suis levé de mon humble grise couche :

D’où venez-Vous, Seigneur, de quelle ère ?

Jésus porta un doigt à la bouche

Et me fit signe de ma taire.

 

Il s’assit sur ma natte couverture :

Mets ta main sur Mes plaies doucement !

Il avait aux chevilles de la rouille, des blessures

Comms s’Il avait porté des chaînes longtemps.

 

En soupirant Il s’étendit ensuite

Sur ma couche de paille pleine de blattes.

Il éclairait en sommeil et, sur la natte,

Les gros barreaux dressaient Sa neige bénite.

 

La cellule paraissait une montagne,

Des rats et des punaises y régnaient.

Ma tête tombait de sommeil ; dans ce bagne

J’ai dormi toute une éternité…

 

Quand j’ai rouvert les yeux, dans l’affreuse cellule,

Le paillasson sentait les roses rares.

Moi, j’étais en cellule, sous la lune,

Pourtant Jésus je ne Le voyais nulle part…

 

Et j’ai tendu les bras. Personne. Silence.

Aucune réponse des murs de malheur.

Seuls les rayons aigus, froids de l’absence,

Par leurs épées ont transpercé mon cœur.

 

J’ai hurlé aux barreaux : – Mon Jésus, où êtes-Vous ?

Fumée d’encens de la lune en venait.

Et sur mes mains, quand je les ai touchées,

Il y avait la trace de Ses clous.