125 ANI DE ETERNITATE / 125 ANS D’ ÉTERNITÉ
Pagini din universul postumelor / Pages de l’ univers des posthumes
PRIN NOPŢI TĂCUTE (1869) / PENDANT LES NUITS PLACIDES
Pendant les nuits placides,
Parmi les prés languides,
Aux ailes du vent perfide,
J’ entends une voix.
Parmi le nuage qui passe,
Et par la lune lasse,
Parmi mes rêves fugaces,
Je l’ aperçois.
Le monde docile,
La lune fébrile,
La mer tranquille –
Icônes qu’ enchantent.
Mon oeil la quête,
Le monde la guette,
Perdant ma tête,
Je pleure et chante.
ODIN ŞI POETUL (1872) / ODDIN ET LE POÈTE
Ils me demandent de chanter…
Ma douleur profonde,
De la polir en rimes cadencées
Et adoucies comme la lumière de la lune
Dans un jardin printanier
De l’ ltalie. Et par ma poésie édulcorée
De faire soupirer les dames –
Belles pour qui que ce soit –
Excepté moi. Pour que des jeunes bornés,
Fumant des cigarettes, bien frisés,
Portant monocle à l’ oeil, au barbichon,
Récitent mes vers afin de recouvrir –
Par l’ expression profonde d’une vraie conscience –
Leurs minauderies. Mieux vaut
De m’ arracher l’ âme
Et d’ en extraire d’ une main cruelle
Et froide sa flamme sainte
Afin qu’ elle se dissipe en scintillant
Jusqu’ à ce qu’ elle s’ abaisse en ranimant
Les vaniteux et les méchants.
RIME ALEGORICE (1875-1876)/ RIMES ALLÉGORIQUES
(strophes 1-5)
Le bateau de ma vie, tout chargé de pensées,
Du rocher de la mort dissipé en planchers,
Par les vagues du temps est cogné et brisé,
Tour à tour, tour à tour est heurté et frappé.
Moi, sur une rive déserte, je trépassai…
La lune gît au- dessus , dans les nuées,
Traverse lentement les sables sahariens,
Et éclaircit un monde qui se tait.
Mais à minuit, dessous l’ immense grève,
On voit une caravane qui se soulève:
Ce sont des morts de longs suaires ensevelis,
Allant en douce vers l’ illusion d’un rêve.
Car à vrai dire: le grand lointain qui se fraye
Fait voir un beau palais et ses merveilles ;
Par ses fenêtres une lumière pénètre:
Et les rideaux se trempent dans le soleil.
De par les longs déserts si éloignés
S’alignent en file les os des trépassés.
Le Sahara, les caravanes et les villages
Dormaient comme morts: la Lune les éclairait.
(strophes 41-44)
Le monde, c’est quoi ? – Mille filiations,
Des peuples fiers, aussi d’obscures nations
Qui disparurent…Mais, de leurs cendres
Apparaîtront…des morts en procession.
La vie ? La mort ? – Feuille à deux pages,
La mort étant la source des vies, des âges,
La vie n’étant que la rivière qui s’ enlise
Dans le brouillard épais de son sillage.
Enfoncée dans ses couches, la femme nue
Étale toute sa beauté à toutes les vues,
Ne croyez pas qu’un jour elle se meure:
Elle n’est que l’ombre d’une vie continue.
Quant à l’amour – le tien, le sien,
C’est un amour renouvelé pour les humains.
Pour peu que ton vouloir rejoigne le sien
Et la nature entière reprend haleine.
FIIND BĂIET PĂDURI CUTREIERAM ( 1878 ) /QUAND J’ ÉTAIS GOSSE, JE ME PERDAIS SOUVENT…
Quand j′ étais gosse, je me perdais souvent
À travers bois, longeant source et bordure,
Je m′ accoudais la tête tout doucement,
Pour écouter les ondes et leur murmure ;
Par les rameaux passait un frémissement
Et une odeur venait de la verdure.
J′ y suis resté ainsi des nuits entières,
Accompagné en douce des vagues- sorcières.
La lune se lève et darde en pleine figure:
Des contes de fée surgissent devant mes yeux ;
Un voile d′argent enveloppe de sa parure
Les champs, le ciel et la flambée des eaux.
Un cor de chasse résonne aux alentours,
Toujours plus près, doucement et mystérieux.. Parmi les feuilles séchées,
les cerfs si beaux:
Il me semblait entendre leurs troupeaux.
Le vieux tilleul s’ouvrit comme par un charme Et en sortit, d′un coup, une jeune princesse,
Ses yeux, comblés de rêves, étaient en larmes,
Son front était voilé d′une soie épaisse.
La bouche entrouverte, elle s′incarne,
S′avance à petits pas, avec souplesse,
Comme par un somme, vient sur la pointe des pieds
Et soupirant, s′assied juste à côté.
Et elle était si belle, pareille à l′ange
Qui, descendant du ciel, comme dans un rêve,
Un ange radieux et doux comme une image
Qui, devant toi, une seule fois se lève.
Ses cheveux dorés et souples tels un nuage,
Ses blanches épaules, sa nuque blanche relèvent.
Et à travers ses fins habits en soie,
Toute la blancheur du corps transperce, se voit.
DINTRE SUTE DE CATARGE (1880)/ PARMI LES MÂTS QUI PAR MILLIERS
Parmi les mâts qui par milliers
Quittent les ports et les rivages,
Y en a combien qui sont brisés
Par les vents et par les vagues ?
Parmi les oiseaux de passage
Qui survolent mers et champs,
Y en a combien qui sont noyés
Par les vagues et par les vents ?
Que l’ on chasse ou non la chance,
Que l’on chasse les idéaux,
Où qu’on aille, on nous pourchasse
Et les vents et les flots.
Mais l’esprit qu’ anime tes chants
Reste confus expressément, L’accompagnent en murmurant
Et les vagues et les vents.
DACĂ IUBEŞTI FĂRĂ SĂ SPERI (1882)/
LORSQU’ ON SOUPIRE SANS ESPOIR
Lorsqu’ on soupire sans l’ espoir
D’ être un jour aimé,
La vie entière s’ assombrit
À cause de vifs regrets.
Et l’ âme en est marquée, la vie
Et la pensée empreinte,
Car une passion inassouvie
À la mort s’ apparente.
Dans la poitrine, juste en haut,
La guérison survient,
C’ est là qu’il faut chercher des mots
Pour caresser la peine.
C’ est là qu’ on trouve l’ abri, le toit,
Malgré ce qu’on arrive,
Tel un amour qui ne se voit
Que dans sa flamme vive.
Car un bel astre élevé
De l’éternel repos
Surveille le ciel illimité
De la mer, de ses eaux.
D’ un coup, mon œil s’ assombrit
À cause des larmes secrètes,
Lorsque les vagues de la vie
Voyagent vers lui, discrètes.
Ces vagues donnent de tristes cadences
À mes chagrins et peines,
Toujours plus haut, lui, il s’ avance
Pour que l’ on n’ y parvienne.
De froids rayons envoie tristement
À mes attentes et rêves:
On l’ aimera éternellement
Lui, à jamais s’ élève.
Voilà pourquoi toutes mes journées
Désertes, de spleen m’ accablent,
Pourtant, mes nuits sont fascinées
D’ un charme invraisemblable.
SĂ FIE SARA-N ASFINŢIT (1882)/ QUE LE SOLEIL SOIT AU COUCHANT
Que le soleil soit au couchant
C’ est à la nuit tombante ;
La lune se lève tout doucement
Des ondes, et tremblante.
Qu’ elle remplisse de ses lueurs
Bocages, sentiers, tilleuls,
Nous, recouverts de pluies de fleurs,
Que nous restions tout seuls.
Laisse ma tête coucher mieux
Sur ton bras accueillant,
Sous les rayons sereins des yeux
Si doux, en m’ inondant.
Que je devienne plus sage étant
À toi – qui m’ accapares –
Comme le ciel se reflétant
Au lac – et s’ en empare.
Laisse le charme de ta raison
Que mon esprit pénètre:
Inonde à jamais mes passions
Du silence de ton être.
Reste auprès de moi, autour,
Pour que mes peines s’ achèvent,
Et soit mon seul amour toujours
Et mon suprême rêve.
Version française par Constanţa NIŢĂ