Marin SORESCU  (1936-1996)

Le Musée du village   (Muzeul satului)

 

De la vie de ces hommes il en manque

Plusieurs sections

Et d’autres, telles que

Le bien-être, le bonheur et la chance

En histoire

Y sont mal représentées.

 

On n’y trouve pas de monnaies

Puisque, faute d’or et d’argent,

Les paysans gravèrent annuellement leur visage

Sur graines de millet, de maïs et de blé

Que l’on n’a pas gardées.

 

Des oiseaux empaillés

Ils auraient pu en apporter beaucoup

Mais ils avaient pitié de tuer

L’alouette, le merle, le coucou et le rossignol

Qui leur chantaient sans argent, gracieusement,

Toute la vie et toute la mort.

 

L’âge primitif,

Antique et médiéval

N’en forment qu’un,

Car, ne sachant ni lire ni écrire,

Les paysans ne se rendirent pas compte

Qu’entre ces trois âges-là

Il y avait des différences

Fondamentales.

 

Les objets les plus nombreux

Y exposés sont les huttes.

 

Du travail à la terre,

Les paysans entraient directement en terre

Pour se reposer.

 

Çà et là, entre les huttes,

Il y a les Jacqueries :

De Doja, de Horea, Cloşca et Crişan, de Tudor,

Construites cette fois-ci en pleine lumière

Avec un remarquable sens

De la symétrie architectonique.

 

Visiteurs,

Ne touchez pas à la pauvreté et à la tristesse

Exposées dans ce musée !

Ce sont des objets originaux,

Sortis des mains, de l’âme et des reins de ce peuple

Dans une seconde de raidissage et de spontanéité

Qui a duré 2000 ans.

 

Céramique (Ceramică)

 

Les archéologues ont découvert

Sur le territoire de mon corps

Un pot en terre

En forme de cœur.

 

Un peintre inconnu y traça,

Bien avant notre âge,

Quelques rayons de soleil.

 

Depuis, d’autres hommes vinrent

Y entrelacer leur âme parmi les rayons,

En motifs populaires.

 

À présent, moi, j’ajoute à la très ancienne céramique

De nouveaux dessins de mon temps,

Pour que les chercheurs de l’an 4000

Puissent à leur tour attester mon existence

Au 20-ième siècle plus ou moins exacte.

 

Sur cette terre en forme de sphère

(Pe acest pământ care are formă de sferă)

 

Après avoir constaté que la terre était ronde,

les géographes sont arrivés à la conclusion

que la vie devrait être ronde elle aussi.

 

Si l’on part d’un certain bonheur

en marchant tout droit vers la vieillesse,

il faudra absolument traverser l’adolescence

à un moment donné,

à côté du soleil et de l’optimisme.

 

Pourtant de toutes les générations humaines

qui partirent découvrir cette vérité,

pleines les navires de fer, d’armes et de blé,

personne n’est rentré.

 

Ne perdez pas le courage, hommes de la terre !

Fiez-vous à la carte de vos espoirs

car vraiment

sur cette terre en forme de sphère

tout doit être rond parfaitement.

 

Pythie (Pitia)

 

Pythie vit dans l’antiquité

et nous prédit l’avenir.

 

Pour l’atteindre

on perd beaucoup de temps

car il faut faire la queue

et, l’avenir est toujours ailleurs.

 

Jusqu’à présent

j’ai entendu ce qu’elle disait

à tous ceux qui s’en allèrent

avant moi de cette terre :

 

Un jour, demain peut-être

ou surlendemain,

il t’arrivera quelque chose de très banal

ou, au contraire, d’extraordinaire.