Sphinx en marche (Sfinx umblător)
La mort ne vient pas souriante
quoique les maîtres de la mort
écrivirent qu’elle fut vue aux portes
sous mille visages de filles mirobolantes ;
elle travaille sans arrêt, triomphante
comme elle l’est de sa propre mort
et de l’accomplissement du sort
de toutes les formes de vie errante.
Elle nous vient donc comme un être
vivant et bien impitoyable
car dans l’éternité, ce maître
nommé homme, être redoutable,
osa, même en mourant, d’y être
avant qu’il soit bien trouvable.
Noblesse (Nobleţe)
La couleur de la mort c’est la
beauté des feuilles fanées qui tombent
depuis mille ans sans la moindre ombre
de haine, avec pour tout émoi
l’air de tendresse du temps – roi sombre,
bourreau nomade, noble et froid
qui nous apprend le tout s’en va,
paisiblement, comme un tronc d’orme.
Les anonymes soleils gris noirs
ressemblent aux feuilles mortes qui s’égarent
mais nous, nous, les porteurs d’étoiles
par lesquelles notre esprit sépare
les vases vivants de vases morts,
on chante les éclats de l’erreur.
Reste (Rămâi)
Nigaud ou philosophe, qu’importe !
Reste comme tu l’es depuis toujours,
il n’y aura ni nuit ni jour
à ne pas regretter la porte
du temps qui passe, mauvaise escorte,
où qu’il s’en aille même à rebours,
avec Anabel Lee d’amour
le cœur brisé sous l’étoile morte.
D’un jour à l’autre ne change plus,
s’il faut mourir, vaut mieux soudain
sinon tu connais le déclin
de pauvre chien la corde au cou
à un rêve de pain suspendu
quand les loups errent sous les sapins.
Message (Solie)
La solitude est un miroir –
plaine où un pauvre homme seulet
se ressemblant à un pommier
étrange qui marche sans le savoir.
la route est courte comme un fil noir
qui lie atome d’atome lorsque
Absalon pend au chêne sacré
rêvant d’une méritée victoire.
Forger des plans dans la tristesse
c’est propre à l’homme au destin triste
et, l’infinie délicatesse
de croire, tant que la terre existe,
qu’on peut vivre en idéaliste,
seule la mort nous l’apprend sans cesse.