Paula ROMANESCU

DIALOG

 

– Seigneur, pourquoi le Verbe Votre tout premier choix?

– Le chaos dominait déjà…

 

– Pourquoi l’homme – étincelle dans la nuit sans voie?

– Du mot « la solitude » en connais-tu le poids?

 

– J’étais enfant, Seigneur, hier encore sous Vos cieux.

– Tu l’es toujours, l’habit a changé un petit peu…

 

– Pourquoi à l’homme de boue une âme tellement pure?

– La poussière se lève bien haut au ciel d’azur.

 

– Vous rejoindre, Seigneur, comment trouver la voie ?

– Commençons par le commençement !

– Aaaaah!

 

– C’est pour la première fois qu’on se parle en amis.

– C’était le temps, vois-tu, on est tous deux ici…

 

– J’ai barbouillé Ton Verbe de lumière, de silence.

– La vie qu’on te donna, en connais-tu le sens?

 

– La femme, la douce femme avec sa pomme ravie…

– Plus tu en rêves, plus ta faim s’agrandit.

 

–  On dit que les étoiles ont mare d’éternité.

– Le mensonge de l’amour est souvent tellement vrai.

 

– De la vie j’en ai donné aussi, juste de ma chair!

– La fierté humaine n’a pas de bornes sur terre.

 

– Sur tous les Golgotha traînent mes années meurtries.

– Oserais-tu me rappeler le  cri : Eli, Eli?!

 

– Et pourtant ce crime-là par Vous-même approuvé…

– Tu n’as rien compris, pauvre terre animée!

 

– Je n’aurais pas donné mon fils pour toute la terre!

– Comprendras-tu enfin mon silence, mon mystère ?

 

– Je ne lève des prières que lorsque mon âme pleure.

– L’océan de ton sang est trop vaste pour le cœur.

 

– La terre que je suis me brûle incessamment.

– De ton chagrin se lève des silences couleur chant.

 

– Je Vous cherche sans cesse dès l’aube au coucher.

– C’est au fond de toi-même que tu dois me chercher.

 

– C’est Paradis doré le bois, d’or  le verger.

– De t’aimer tant je dis aux feuilles comment tomber.

 

– Sur ma rive de silence viennent des oiseaux de chant.

– Ton sourire les rassure, fragile roseau pensant…

 

– J’attends le moindre signe de Votre immense amour.

– Je t’en ai donné mille; ton être est-il sourd?

 

– La mer me fait signe, elle – mesure d’infini.

– Elle espère d’atteindre par toi la lune des nuits.

 

– Le vent m’appelle au large espace sans frontières.

– Le dor te tient sur terre – racine de miel amer.

 

– Par un petit gland le chêne  m’en donne de ses nouvelles.

– L’anneau bleu de la vie dans son noyau t’appelle.

 

– Je voudrais  croire en Vous de ma raison entière.

– Je t’ai donné pourtant une âme, être de terre…

 

– Des corbeaux dans ma nuit me hantent de leurs ailes noires.

– Le baptême en lumière se prépare dès le soir…

 

– De mes quatre saisons il m’en reste  l’hiver.

– Jusqu’au grand blanc silence, il  reste un bout de chemin.

 

– Le temps me couvre de ses brumes, je suis

Encore en fleur. – Le crois-tu vraiment, dis ?…

 

– Je rêve d’un beau printemps, de l’amour – le bel âge.

– Tu aurais pu quand même devenir un peu plus sage…

 

– Les grues dans les cieux étendent de longues rivières.

– Le vrai départ, vois-tu, c’est toujours dans le ciel.

 

– Seigneur, pourquoi la vie – l’éternelle –  me fait peur ?

– C’est que sur terre l’amour ne fut pas ton point fort…

 

– Dans Votre ciel, Seigneur, pas de chants, pas de bals…

– Apporte-moi quand tu viens, une poignée de cigales.

 

– Mon ombre – fine mouche, m’épie à tout moment.

– Le chemin de ta vie ne fut que trace de vent?

 

– Je ferai le chemin qui me reste, à petits pas.

– Désolé, ta route sur terre s’arrête là!

 

* Din vol. Dialog / Dialogue, ed. Alcor, 2006, Bucureşti, ediţia a II-a