DIALOG
– Seigneur, pourquoi le Verbe Votre tout premier choix?
– Le chaos dominait déjà…
– Pourquoi l’homme – étincelle dans la nuit sans voie?
– Du mot « la solitude » en connais-tu le poids?
– J’étais enfant, Seigneur, hier encore sous Vos cieux.
– Tu l’es toujours, l’habit a changé un petit peu…
– Pourquoi à l’homme de boue une âme tellement pure?
– La poussière se lève bien haut au ciel d’azur.
– Vous rejoindre, Seigneur, comment trouver la voie ?
– Commençons par le commençement !
– Aaaaah!
– C’est pour la première fois qu’on se parle en amis.
– C’était le temps, vois-tu, on est tous deux ici…
– J’ai barbouillé Ton Verbe de lumière, de silence.
– La vie qu’on te donna, en connais-tu le sens?
– La femme, la douce femme avec sa pomme ravie…
– Plus tu en rêves, plus ta faim s’agrandit.
– On dit que les étoiles ont mare d’éternité.
– Le mensonge de l’amour est souvent tellement vrai.
– De la vie j’en ai donné aussi, juste de ma chair!
– La fierté humaine n’a pas de bornes sur terre.
– Sur tous les Golgotha traînent mes années meurtries.
– Oserais-tu me rappeler le cri : Eli, Eli?!
– Et pourtant ce crime-là par Vous-même approuvé…
– Tu n’as rien compris, pauvre terre animée!
– Je n’aurais pas donné mon fils pour toute la terre!
– Comprendras-tu enfin mon silence, mon mystère ?
– Je ne lève des prières que lorsque mon âme pleure.
– L’océan de ton sang est trop vaste pour le cœur.
– La terre que je suis me brûle incessamment.
– De ton chagrin se lève des silences couleur chant.
– Je Vous cherche sans cesse dès l’aube au coucher.
– C’est au fond de toi-même que tu dois me chercher.
– C’est Paradis doré le bois, d’or le verger.
– De t’aimer tant je dis aux feuilles comment tomber.
– Sur ma rive de silence viennent des oiseaux de chant.
– Ton sourire les rassure, fragile roseau pensant…
– J’attends le moindre signe de Votre immense amour.
– Je t’en ai donné mille; ton être est-il sourd?
– La mer me fait signe, elle – mesure d’infini.
– Elle espère d’atteindre par toi la lune des nuits.
– Le vent m’appelle au large espace sans frontières.
– Le dor te tient sur terre – racine de miel amer.
– Par un petit gland le chêne m’en donne de ses nouvelles.
– L’anneau bleu de la vie dans son noyau t’appelle.
– Je voudrais croire en Vous de ma raison entière.
– Je t’ai donné pourtant une âme, être de terre…
– Des corbeaux dans ma nuit me hantent de leurs ailes noires.
– Le baptême en lumière se prépare dès le soir…
– De mes quatre saisons il m’en reste l’hiver.
– Jusqu’au grand blanc silence, il reste un bout de chemin.
– Le temps me couvre de ses brumes, je suis
Encore en fleur. – Le crois-tu vraiment, dis ?…
– Je rêve d’un beau printemps, de l’amour – le bel âge.
– Tu aurais pu quand même devenir un peu plus sage…
– Les grues dans les cieux étendent de longues rivières.
– Le vrai départ, vois-tu, c’est toujours dans le ciel.
– Seigneur, pourquoi la vie – l’éternelle – me fait peur ?
– C’est que sur terre l’amour ne fut pas ton point fort…
– Dans Votre ciel, Seigneur, pas de chants, pas de bals…
– Apporte-moi quand tu viens, une poignée de cigales.
– Mon ombre – fine mouche, m’épie à tout moment.
– Le chemin de ta vie ne fut que trace de vent?
– Je ferai le chemin qui me reste, à petits pas.
– Désolé, ta route sur terre s’arrête là!
* Din vol. Dialog / Dialogue, ed. Alcor, 2006, Bucureşti, ediţia a II-a