POEME ROMÂNEŞTI ÎN LIMBI STRĂINE – Nichifor CRAINIC

Fragment din antologia de poezie din închisori[1]

 UNDE SUNT CEI CARE NU MAI SUNT ?

OÙ SONT-ILS CEUX QUI N’EXISTENT PLUS ? 

 

Caz unic în literatura lumii, creaţia poetică a deţinuţilor politici din închisorile comuniste din România, dintr-o vreme de neagră teroare şi oroare, a circulat mai întâi chiar între zidurile temniţelor, transmisă prin morse, a fost mai apoi învăţată pe de rost şi păstrată în memoria deţinuţilor din vremea aceea (1948-1964) ca într-o bibliotecă vie pe care nimic n-a putut s-o distrugă: nici focul, nici frigul, nici foamea, nici tortura, nici ura oarbă, nici moartea.

Supravieţuitorii închisorilor comuniste, adevărate uluitoare enciclopedii, au reunit după decembrie 1989 zestrea de poeme îndelung păstrate în memorie. Astfel au apărut Incă de la începutul anilor nouăzeci (1993-1997) primele volume de cutremurătoare mărturii în formă poetică, sub îngrijirea Asociaţiei Foştilor Deţinuţi Politici din România. Au urmat apoi altele şi altele.

Prima selecţie în limba franceză – Poésie enchaînée (editura Spicon, Târgu Jiu, 1999) – în care am reunit poeme din 36 de autori, a fost lansată în Franţa, la Angers cu ocazia Salonului de Arte şi Carte “Artistes pour la Liberté”, Decembrie 1999, sub egida Amnesty International. Pentru prezenta antologie, titlul ales este cel al poemului omonim scris de Nichifor Crainic, răscolitor omagiu adus martirilor români din temniţele iadului roşu.

Am credinţa că o astfel de carte-document poate fi un martor fără de care la judecata lumii de acum (nu de apoi!) am invoca în zadar dreptul nostru la restabilirea adevărului. Se cuvine să-i repunem pe martirii neamului, acei vinovaţi fără vină, în afară de aceea de a-şi fi iubit cu supra de măsură neamul şi credinţa strămoşească, între icoanele de cea mai pură alcătuire omenească.

Închisorile de la Aiud, Piteşti, Jilava, Gherla, Caransebeş, Botoşani, Canalul, Văcăreşti, Uranus, Nistru, Galaţi, Alba Iulia, Timişoara şi altele, sunt tot atâtea Golgote ale martirilor răstigniţi pentru marea lor iubire de neam, de bezmeticia unui regim de cruntă, bestială teroare neagră înveşmântată în roşul comunismului venit peste ţara noastră dinspre Răsărit ca o Siberie a urii.

Dacă iertarea este măsură de credinţă creştină, uitarea a cele ce s-au întâmplat atunci nu are cum să se înstăpânească peste noi iar cei ce vor veni în urma noastră trebuie să ştie. Altfel ne vom întreba în zadar: „Unde sunt cei care nu mai sunt?”.

Iar dacă lumea, francofonă sau nu, ar vrea să ştie despre ei, să-i putem răspunde: „Nu se vede cu adevărat decât cu sufletul. Esenţialul rămâne invizibil ochilor”. Nu aşa spunea Micul Prinţ, cel venit pe pământul oamenilor din dor de a-i cunoaşte?

*

Cas unique dans la littérature du monde, la création poétique des détenus politiques des prisons communistes de Roumanie d’un temps de noire terreur et horreur (1948-1964), circula d’abord entre les murs des bagnes, transmise en morse, ensuite, apprise par coeur et gardée dans leur mémoire, comme dans une bibliothèque vivante, elle y resta sans que ni feu, ni froid, ni faim, ni torture, ni mort ne puissent l’anéantir.

Les survivants des prisons communistes – vraies encyclopédies intarissables, réunirent après décembre ’89  les poèmes longtemps gardés dans leur mémoire. Ainsi furent publiés dès le début des années ’90 (1993-’97) les premiers  volumes de vibrants témoignages sous forme de poésies choisies des Archives des Anciens Détenus Politiques de Roumanie. D’autres furent édités depuis.

Dans la  première sélection traduite en français – Poésie enchaînée (Editions Spicon, Târgu Jiu, 1999), j’ai choisi 36 poètes des plus représentatifs. Ce recueil fut lancé en France à Angers, en Décembre 1999, lors du Salon des Arts et du Livre « Artistes pour la Liberté » sous l’égide de L’Amnistie Internationale. Pour la présente anthologie, on a choisi le titre du poème homonyme de Nichifor Crainic, en hommage des martyres disparus dans les prisons de l’enfer rouge.

Je suis sûre que ce livre document est un témoignage sans lequel au jugement présent du monde (pas le dernier!), on réclamerait en vain notre droit au nom de la raison. Et de la vérité. Il faut absolument donner aux martyres de notre nation, ces « coupables » d’avoir aimer au prix de leur vie les grandes valeurs de notre peuple, la foi et la liberté de la nation, une place de choix entre les icônes de l’âme roumaine.

Les prisons de Piteşti, Aïud, Jilava, Gherla, Caransebeş, Botoşani, Canalul, Văcăreşti, Uranus, Galaţi, Alba Iulia, Timişoara etc. , sont les golgothas de nos martyres crucifiés par un régime de noire bestialité drapé en rouge du communisme venu sur notre terre de l’Est, vraie Sibérie de la haine aveugle.

Si le pardon est signe de foi chrétienne, l’oubli ne nous est pas permis. Ceux qui vivent et ceux qui vivront sur cette terre – la nôtre –  doivent connaître cette terrible histoire. Sinon, on répète en vain : Où sont-ils ceux qui n’existent plus ?

Et si le monde – francophone ou pas – voulait l’entendre, alors nous pourrions lui rappeler qu’ “On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux”.

     Le  Petit Prince venu sur la terre des hommes pour mieux les connaître ne le dit-il, lui aussi ?

 

Nichifor CRAINIC

(1889-1972)

Poète, philosophe, professeur à la Faculté de Théologie de Bucarest, fondateur de la revue littéraire “ Gândirea” (La littérature, en philosophie et dans tout le mouvement des idées en Roumanie.

Condamné en 1946, dans le groupe du maréchal Antonescu, à 25 ans de travail forcé (dont il en effectua 15), pour “Complot contre l’ordre social”, il fut jeté au bagne à Aïud et y subit un régime d’extermination.

 

 

OÙ SONT-ILS CEUX QUI N’EXISTENT PLUS ?

 

Demandai-je au vent, Sylphe déchaîné

Sur lequel les nuages, sans arrêt

Volent vers les frontières bleues des nues :

Où sont-ils ceux qui n’existent plus ?

Où sont-ils ceux qui n’existent plus ?

 

Répondit le vent : Leurs ailes encore

Invisibles pèsent sur mon cœur.

 

Demandai-je à l’alouette-clarté,

Flèche qui perce l’azur-immensité

De l’huile sacrée de son chant doux :

Où sont-ils ceux qui n’existent plus ?

Où sont-ils ceux qui n’existent plus ?

 

Dit l’alouette : Ils se sont cachés

Dans la lumière qu’on n’ voit jamais.

 

Demandai-je au hibou à l’oeil-sphère,

L’aveugle qui voit le mystère

Dont les mots restent toujours superflus :

Où sont-ils ceux qui n’existent plus ?

Où sont-ils ceux qui n’existent plus ?

 

Le hibou me dit : Quand tombera

La toute dernière nuit, tu le verras.

 

 

PRIÈRE POUR LA PAIX

 

Gloire à Vous, Seigneur, pour cette nuit de grâce !

Dans l’onde de la lune mon sommeil plongea,

De l’abysse du rêve la paix s’en leva,

Les voiles du mystère, du haut du silence,

S’ouvrirent largement avec mille voix ;

Gloire à Vous, Seigneur, pour cette nuit de grâce !

 

Ça me rappelait la nuit sacrée,

L’étoile qui guida les pas des rois mages,

Bethléem, la paix par Vous étoilée,

La claire lumière du savoir-mirage,

Et l’humble étable, la Nativité.

Ça me rappelait la nuit sacrée.

 

L’ange avait laissé les portes grandes ouvertes

Pour qu’y passent vers Vous tous les chants sans son,

Dans l’azur volaient de larges ailes sans vol

Et loin, dans les cieux, sous la voûte déserte

L’ange avait laissé les portes grandes ouvertes.

 

Seigneur, donnez-moi la céleste fête

De la paix au cœur du silence qui crie

Et qui change l’humble en sage, en prophète,

La paix dans laquelle le bourgeon fleurit ;

Seigneur, donnez-moi la céleste fête !

 

Donnez-moi la paix dans mon âme, Seigneur,

Flamme qui ne tremble pas en tempête et qui

Me fait triompher du souffle ennemi,

Car si l’âme reste, la terre se meurt,

Donnez-moi la paix dans mon âme, Seigneur !


CHANT DERRIÈRE LES BARREAUX

 

Je suis fait pour n’avoir

Rien sur cette terre,

Comme l’oiseau sur la branche

Je bouge dans la lumière.

Sur les murs des cités

J’ai lutté de tout cœur,

Gardien des trésors

Que je n’aurai jamais.

 

J’affrontais les malins

Sans jamais reculer,

Pour protéger les nains,

Pour en être outragé.

Par des hymnes j’ai chanté

L’amour de tout mon peuple,

De cette terre où je n’ai

La moindre place pour ma tombe.

 

Pour cet amour je fus

Mis au bagne de chagrin,

Les haillons que je porte

Ne sont pas les miens.

Et si j’ai eu des frères

De combat et de dor*,

Heureux, ils me laissèrent

Pour qu’à leur place je meure.

 

Et si je fus poète

Et simple combattant,

Je ne suis qu’un squelette

Qui pense en ce moment.

Comme une pierre de moulin

Je tourne en maudite danse

Et je broie du chagrin

Au vent de la Malchance.

 

Les grilles à ma fenêtre

Montrent leurs gueules de fer,

Signe que je puis peut-être

Voler par l’âme au ciel.

Je suis fait pour n’avoir

Rien sur cette terre,

Comme l’oiseau sur la branche

Je bouge dans la lumière.

 

 

CHANT LOINTAIN

 

De trop longtemps et de si loin

Je te caresse dans ma pensée,

Le mur qui nous sépare, ma petite,

Seuls les oiseaux peuvent le passer.

 

Seuls les oiseaux – messagers-mages,

Portent dans le loin de mes nouvelles,

Les hommes enfermés dans les cages

Y gisent des années entières.

 

Seuls les oiseaux savent le vol ivre

Entre les murs du malheur,

Viens avec eux, ma petite, délivre

Par tes nouvelles mon pauvre cœur.

 

Comme je n’ai plus la moindre icône

De ton visage d’aujourd’hui,

Envoie-moi une petite palome

Me dire combien as-tu grandi.

 

Comme je n’ai pas de toi une lettre

Pour en refaire l’ange de ta voix,

Envoie une hirondelle, peut-être,

Comme toi elle me gazouillera.

 

 

NUIT NOIRE

 

Au-delà de tout étoile,

Peut-être au-delà d’ la lune,

Qui pourrait voir ce grand voile

De feu dont mon cœur en brûle ?

 

Ma pauvre foi, taupe aveugle,

Te tâtonne dans la nuit

Du silence, comme dans une tombe

De goudron, inassouvie.

 

Je cris de la tour en ruine

Aimé par tous les hiboux ;

La voix du désespoir rime

Avec la mienne au vide des trous.

 

Où es-Tu, Toi qui Te tais ?

Qui es-Tu, Le jamais vu ?

Ma déchirure de toujours,

Je te sens de plus en plus.

 

Toi, géant dans la nuit noire,

Sans visage et sans corps,

Tu m’attires comme un mirage

Mais, de près, Tu me fais peur.

 

 

LA FAIM

 

Dieu, je ne suis plus de ceux

Que les pommes ont rassasiés,

Car dans ce désert houleux

Mes pas se sont égarés.

 

Mes yeux ne peuvent plus trouver

La lumière dans Ta Lumière,;

Ils n’y voient qu’un clair dîner,

Ô, Mon Père, ô, Notre Père !

 

Si je ne vois que potage

Pour mentir mon ventre creux,

Ne me juge pas, Le Très Sage,

L’âme et le corps ça fait deux.

 

Si je ne pense qu’à manger,

Dieu Puissant pardonne-moi,

Je n’ suis que terre animée

Comme Tu le sais bien, je crois.

 

Ne me condamne pas, Seigneur,

Pour mes envies misérables,

Entre mon âme et mon corps

C’est le pain toujours minable.

 

Dieu, je ne suis plus de ceux

Que les pommes ont rassasiés,

Car dans ce désert houleux

Mes pas se sont égarés.

 

 

PRIÈRE DU CRÉPUSCULE

 

Je prie pour les vivants et pour les morts,

C’est tout pareil, amis ou ennemis,

Avec les une, les autres, j’ai partagé mon sort

Et l’amour, et la haine, et mes années aussi.

 

D’abord les morts, le soir, je les cueille en prière ;

Ils sont tous là, Seigneur, moi, parmi les tombeaux,

Ils connurent des élans du cœur, de la misère,

Je fus part de chacun, je suis entier par eux.

 

Les tempêtes de la vie les laissent indifférents,

Que reste-t-il de l’amour ? Que reste-t-il de la haine ?

Miserere, Seigneur, je suis un mort vivant

Entre les morts d’hier en disant ma prière.

 

Puis, entre les vivants, j’en appelle à Ta grâce

Quand, de feu du ciel la terre est couronnée :

Donne-leur, Seigneur, la triste et tardive sagesse

De mon triste et tardif âge de sérénité !

[1] Selecţie, traducere, note şi prefaţă Paula Romanescu, Grafică de Adina Romanescu, Editura Betta