POEME ROMÂNEŞTI ÎN LIMBI STRĂINE: Gheorghe MOCUŢA

 

la conféssion d’un auteur de haïkus

je suis un homme commun mais je crois que l’humanité a quitté le droit chemin et passe

par une crise spirituelle profonde

et j’ai dit à monsieur le rédacteur en chef qui m’invite aux lancements

de livre

que j’avais abandonné  l’écriture et la littérature

je ne sais pas si mes plaquettes de haïkus et de méditations zen

intéressent encore quelqu’un – elles ne disent plus rien aux jeunes gens –

mais moi je ne peux plus lire ce qu’on écrit aujourd’hui

sous l’influence de la technique et de l’ordinateur :

quand j’ai vu les sottises que M. Leac avait écrit sur moi

(qu’il ne se fâche pas !)

j’ai fait une crise j’ai rompu le livre et je l’ai jetté dans la corbeille.

je vous estime énormément et vous et M. Sava

un jour il m’a arrêté dans la rue pour me montrer quelques livres

il m’a laissé un instant avec eux dans la main  et il ne sait pas qu’est-ce qu’il a risqué

parce que je ne comprends pas les vulgarités de la bohème

et je ne supporte pas dans ma bibliothèque des livres indécents

avec des femmes nues sur la couverture et les autres

donc je vous prie monsieur le poète de ne m’offrir plus ni

vos recueils parce qu’ils me nuisent

et m’écoeurent

quelques-uns me transmettent des énergies négatives

voilà vous aussi n’êtes pas en assez bonne situation avec votre aura

je la vois

pardonnez-moi car je ne peux pas vous donner une poignée de main

au revoir

 

mutant

lors d’un rendez-vous avec les élèves de quatrième

après ce que le poète leur a parlé sur les auteurs locaux

et sur la poésie

sur le peintre de la petite ville de frontière

un enfant timide a levé la main

dis – l’institutrice l’a encouragé

moi je ne veux devenir ni poète ni artiste

a dit le garçonnet aux lunettes

 

mais qu’est-ce que tu veux devenir ?

 

je suis mutant et si je fais la culbute

je me transforme en âne

et je vous frappe avec le sabot

 

je me suis adapté à la vie de souterraine

voyageant beaucoup avec le métro

je me suis adapté à la vie de souterraine

bien que je sache qu’au-dessus de moi

le destin d’un peuple décadent se dessine

(liberté égalité télé)

au-dessus de moi la ruche délirante grouille

celle des chercheurs de petits jobs

et des badauds de tous les méridiens du monde

même ici dans les artères du vieux  Paris.

 

je sors à la surface  et je découvre le décor d’opérette

des monstrueux monuments :

la tour ramollie qui attire des suicidés

la méfiante place de la Concorde

et Grand Palais avec sa bosse de verre.

 

du quai j’observe le serpent jaune de la Seine

je cherche quelque chose peut-être la terre promise

ou le berceau flottant qui porte mon corps

et ne s’arrête plus.

 

combien l’âme pèse

combien de fois j’entre dans le cabinet

de madame dr. Lemonier

de l’Hôpital Saint Antoine

non loin de la Colonne de Juillet

elle me pousse sur  la balance

et me gronde amicalement

pour les kilos de trop.

ensuite  elle tâtonne attentivement mes ganglions

d’un geste presque  érotique.

et moi, je retiens ma respiration

comme pendant une mort mélodramatique sur la scène.

 

son visage semble dire :

l’essentiel ne se voit pas à l’œil libre

elle est vivante et encore belle

moi pâle et à moitié mort

et dans son œil je lis

environ combien l’âme pèse.

 

plus forts que le bronze et les couvercles  de fonte

maintenant la place se pare en habits de fête

en couleurs tendres et joyeuses

(le poète avait beaucoup de choses à reprocher

à ce monde et à ceux qui le gouvernaient.

ainsi que plus d’une fois il a exprimé son désir

de le quitter. par exemple il  les accusait d’amasser

des bouteilles et des pots des nombreux et pauvres

et de les donner à ceux qui sont en moindre nombre et riches)

 

car la ville d’Arad comme toute ville royale

rassemblait  des gens de partout

quelques-uns savaient écrire

des autres lire.

les autres vendaient  des journaux.

elle les avalaient de pair avec leurs vies comme Saturne

et ensuite crachait leurs os

directement devant les monuments

de la place de la Réconciliation

plus forts que le bronze et les couvercles  de fonte.

 

Versiunea în limba franceză de Elisabeta BOGĂŢAN