Radu STANCA (1920-1962)

ARGONAUT COSMIC / L’ ARGONAUTE COSMIQUE[1]

(in: vol. Versuri, Ed.Dacia, Cluj-Napoca, 1980, p. 279)

 

Pareil à Noë, l’ Argonaute des cieux

Surcharge sa mince arche élancée

De spécimens d’une race allant mieux,

Qui ne connaît ni morts, ni des âgés.

 

Forçant la parallaxe des rayons lunaires,

Gardiens des abîmes de l’avenir,

Ils vont semer dans les espaces stellaires

Le grain des joies futures et des plaisirs.

Élevés du levain du bel Âge atomique,

Qui tourne dans les chants des sphères ionisées,

Ils vont ancrer par milliers, leurs fusées magnifiques

Aux rivages solitaires des planètes éloignées.

 

Là- haut, frénétiques, débarquent leurs navires

Afin de conquérir le sauvage firmament…

Montrant du doigt la Terre, ils vont dire :

„Voilà, on témoigne sous la foi du serment,

 

 

Que nous ne manquerons à la promesse

De bien délimiter l’entière immensité,

Afin qu’elle soit soumise avec adresse

Dans l’intérêt du bien, de la lucidité !”

 

 

ARHIMEDE ŞI SOLDATUL / ARCHIMÈDE ET LE SOLDAT

(in: vol. Versuri, Ed. Dacia, Cluj-Napoca, 1980, p. 54 – 56.)

 

Soldat vilain ! N’ y touche pas ! Vas- y !

Ce sont mes Cercles … Hors d’ ici !

Leur ressemblance avec ton arc, t’étonne ?

Ces petits jouets ne nuisent à personne !

 

Ne sois si ébahi, à l’oeil outré !

Car leur rotondité cache l’acte sacré

Qui réalise le sein, la balle et l’anse…

Ici, c’est un compas, non pas une lance.

 

Approches-en mieux avec timidité,

Il n’y a pas de faute dans leur rotondité;

Bien qu’ ils soient étalés sur des déchets,

L’ essence en est toujours la pure Idée !

 

On les suscite ailleurs : une pierre jetée à l’eau,

Ou simplement, d’ une odalisque, un saut.

Ils se balancent dans des fumées et voiles,

Sur des coquilles d’escargots font des spirales.

 

Le cerf ravissant, dans ses cornes ramifiées,

Les reçoit comme un oeil attentif à veiller,

Dans leur forme, tout entier le cosmos est tenu…

Regarde-les de plus près, insensé comme un fou !

 

Et c’est en vain que tu tournes tout autour,

Car j’ y reste enfermé, soyez- en sûr !

Autant que mon problème reste sans issue,

Je me tourmente… s’il reste irrésolu.

 

Où que je sois, sous les étoiles ou sous ces murs,

Tant que mes cercles sont à moi et tout autour,

Où que je dorme, par terre ou dans ma chambre,

Autant qu’ils sont à moi, je suis homme libre !

 

Version française par Constanţa NIŢĂ

[1] Poezie datată : 1. 03. 1962, Cluj, Spitalul TBC. Peste 40 de zile ( 12 aprilie 1962 ) avea să se întâmple primul zbor al omului în cosmos… Premoniţie demnă de unul din familia acelor poeta vates dintotdeauna.