OMUL CU COMPASUL / L’HOMME AU COMPAS
(vol. Omul cu Compasul, 1966)
J’ ai esquissé hier soir, à fleur de sable,
une belle formule d’un nouvel ordre qui,
contienne l’image des choses immuables,
visage secret et sans ruine acquis.
Je tâche de capturer dans cet anneau
la rotation des astres dans l’espace :
ici, Cercle magique, médaille de feu,
qui se nourrit de soi- même, vorace.
Et au-delà, comme un symbole sacré,
gerbe de rayons sortis d’un clair sceptre :
le vif Triangle vers lequel je vais
au tintement des cloches, pour les vêpres.
Rien ne surprend comme étant authentique
et différent de ces formes permanentes,
ni la corolle de ces lys héraldiques,
ni des cristaux, la foudre éclatante.
Ces formes, tout comme la flûte ou le hautbois,
seront remplies toujours d’un chant auguste,
car le contour de l’ être ne se voit
que lorsque leur mesure s’avère juste.
Et c’est ainsi que je croyais à l’ heure
du coucher, sous les étoiles, quand je serrais
auprès de moi, mon beau Compas, mon ingénieur
des harmonies, des vols sublimes mon échassier.
Combien de siècles se déclinent à l’heure
où le sommeil enlace la fausseté…
des formes claires d’ hier, ne demeure
hélas, entière aucune, inaltérée.
Chaleurs du noir enfer, pluies ténébreuses
arrivent à l’aube et envahissent le monde.
De mauvaises herbes pareilles aux mers houleuses
agitent sur la rive feuilles furibondes.
Tuyaux difformes, racines ensablées
blessèrent mon idéal réceptacle,
en ruinant sa transparence relevée
pour qui je fus, hélas, un humble oracle.
– Mer convulsive qui sursaute au ciel,
qu’ as- tu changé la place des précipices ?
Au lieu d’entendre en haut le chant du sel,
c’est le frou- frou des monstres qui frémissent.
La trajectoire des astres est de travers,
les lois de la nature sont abolies,
depuis que le beau Cercle est couvert
par la charogne pourrie d’une petite souris.
Las ! cette étoile s’en va vers le déclin
et les cristaux se sont brisés et saignent,
sordides, les eaux s’ écoulent aux confins
en maculant les fleuves qu’ elles atteignent.
Au coeur de ce déclin je me nourris
En attendant l’heure où les fleurs des prés
Qui poussent comme les grenouilles soient pourries
Afin que mon Compas n’en soit plus dérangé.
À ce moment, frappant le sable de sa pointe,
Vont apparaître les mêmes signes d’ hier,
Tout en gardant une éternelle empreinte
Des choses immuables d’un monde éphémère.
ULTIMELE POEME / LES DERNIERS POÈMES
TREI FEŢE / TROIS FACETTES
(in : Secolul 21, No.1-6/ 2003, p.21)
Les trois facettes d’ un diamant : l’ Idée,
l’ Image, le Son. Toute ma vie
je me suis demandé comment Dieu réussit
de faire de trois facettes : une Unité.
Je joue avec un minéral cristal et j’ ose
de le polir en trois facettes : car j’ imagine
un être qui soit à la fois : conscience
qui fasse sortir des sons et qui ait un visage.
Lui, Il l’ a fait. Moi, pourquoi pas ?
Prenez ce son : en voilà l’Idée, elle, qui devient
Image. Et, toutes les deux, elles chantent.
Somme toute : oreille, raison, rétine
fêtent toutes les trois la même mise au monde,
et le Poète, lui, qui les a fait naître, vous remercie.
Version française par Constanţa NIŢĂ