DANS LE ROYAUME DE DIEU
l’été
la fumée –
la taupe dresse l’oreille aux prières des hommes
sa chair frémit d’horreur
elle écoute au-dessus d’elle des pas venant
du royaume de dieu
ses sens déraillent
elle creuse profond
encore plus profond
dehors c’est l’été
c’est la fumée
dans le royaume de dieu
on ne sait plus
qui est caïn
et qui abel
ni si le fils prodigue
est toujours en voyage
IMPRESSION. SOLEIL LEVANT
les jeux sont faits
tu attends le numéro
la bille roule dans la direction
sud-sud
tu invoques
l’odeur pestilentielle de la journée
l’armistice de la lumière
tu provoques l’attente
le hasard
tu passes l’épreuve du feu
l’épreuve de l’eau
tu perdures
BIRTHDAY
portes – portes ouvertes à l’infini –
et le vent inaudible
réveillant ton petit monstre familial
réfugié à tes pieds (ainsi parlais-tu)
mais cela suffirait-il
dorothea tanning
cela suffirait-il
pour que tu attendes immobile
dans la fraîcheur de la chambre
pour que tu écoutes
le bruit de limaille de l’eau
des inépuisables sabliers
qui t’assiègent ?
JOURNAL
tu portes témoignage
tu jettes des pierres dans la rivière
tu taillades l’écorce
tu traces des signes dans le sable
tu calcules
l’angle de fuite
l’écliptique le périhélie
le temps de coagulation
l’épaisseur du tissu conjonctif
ÉCORCHÉ
sans aucune raison
sans une parole –
la mélancolie
de ces petits êtres écorchés
suspendus aux crochets de la boucherie
du coin
CHAUVES-SOURIS
accrochés au plafond du temple
les eunuques du jugement dernier
se mettent à tourner tout à coup
avides ils s’élancent dans le noir
ils poussent des cris muets
le siècle évacue jusqu’au dernier
placenta
noir
Versiunea în limba franceză de Maria ŢENCHEA