SOUS L’ÉCU
(le groupe nominal)
sous le gui noyé de lumière –
parmi les armes et les chevaux
sous l’écorce du chêne
dans la coquille de l’escargot
sub stella
sous l’écu –
assiégé par de ténébreuses industries
de sons parcheminés
RHÉTORIQUE
la sieste derrière la feuille du journal
derrière les portes capitonnées la cigarette allumée
le sommeil la veille le réveil
le visage contre l’oreiller
les yeux tournés vers le ciel
la tête dans les mains
la rhétorique des bonnes habitudes
de l’après-midi le dimanche
des mauvaises habitudes
le soir la nuit
au matin
LES NEIGES DU KILIMANDJARO
interminable mort:
l’éclat de la neige dans les pupilles blanches
le soleil grand comme un pain cuit dans l’âtre
gardé sous la chemise
brûlant sur
la poitrine
MARATHON
le jaune pourri le vert le brun gélatineux –
gymnastique matinale de l’escargot
sur le champ d’instruction
à marathon
CHUTE LIBRE
d’une pente un peu abrupte
d’un versant un peu plus blanc
d’un pic aigu
(du plateau le plus haut possible)
où que tu tournes ton regard
qui que tu appelles
quelque nom que tu cries
tu te trouves toujours au milieu d’une histoire
contée par compère satan
LUMIèRE D’AOûT
la sagesse le cafard la mort
après l’année de la taupe
le poison de la lumière
au couchant
IMPRESSION. SOLEIL LEVANT
les jeux sont faits
tu attends le numéro
la bille roule dans la direction
sud-sud
tu invoques
l’odeur pestilentielle de la journée
l’armistice de la lumière
tu provoques l’attente
le hasard
tu passes l’épreuve du feu
l’épreuve de l’eau
tu perdures
LES LIAISONS DANGEREUSES
tu regardes
de petits ronds de fumée
monter des autels
vers le ciel
tu regardes tourner
de petits ronds de lumière
d’où le dieu morose te parle
et où la déesse
est prête à t’enlever –
SIRèNES
le brouillard descend
les immortelles
déchirent avec leurs dents
un petit dauphin
argenté
tu navigues en suivant le vol des oiseaux
sans ignorer
les signes
pourtant le commerce des olympiens
te semble toujours moins sûr
les liaisons avec eux
dangereuses
LA PêCHE MIRACULEUSE
des flots salés
l’odeur de chair vivante
et de rut
TATOUAGE
les sourds avec les sourds
les aveugles avec les aveugles
le soleil
à travers la transparence du rêve
pétrifié
ÉPIPHANIE
traces dans la poussière des champs:
au bout de la ville
la dissertation dominicale
du vent –
la rencontre
avec un petit dieu bavard
fraîchement sorti de l’oeuf
dans le nid de l’hirondelle
d’eau
LE LION EN HIVER
le lion en hiver : pieds de veau
corps d’aigle museau yeux d’agneau
dans les yeux l’ondoiement du trèfle
dans les narines l’odeur des mauves de mai
dans l’oreille un bourdonnement d’abeilles sauvages
sur la langue le fourmillement
des termites –
mais de l’énorme entonnoir du ciel rien que
du bleu rien que du rouge liquide
rien que du vent et du sable
dans les orbites vides dans le crâne dans
le thorax entre les côtes
chaque jour plus blanches
chaque jour plus longues
plus minces
Traduceri de Maria ŢENCHEA