Lucian ALEXIU

SOUS L’ÉCU

(le groupe nominal)

sous le gui noyé de lumière –

parmi les armes et les chevaux

sous l’écorce du chêne

dans la coquille de l’escargot

sub stella

sous l’écu –

 

assiégé par de ténébreuses industries

de sons parcheminés

 

 

RHÉTORIQUE

la sieste derrière la feuille du journal

derrière les portes capitonnées la cigarette allumée

 

le sommeil la veille le réveil

le visage contre l’oreiller

les yeux tournés vers le ciel

la tête dans les mains

 

la rhétorique des bonnes habitudes

de l’après-midi le dimanche

des mauvaises habitudes

le soir la nuit

au matin

 

 

LES NEIGES DU KILIMANDJARO

interminable mort:

 

l’éclat de la neige dans les pupilles blanches

le soleil grand comme un pain cuit dans l’âtre

gardé sous la chemise

brûlant sur

la poitrine

 

MARATHON

le jaune pourri le vert le brun gélatineux –

 

gymnastique matinale de l’escargot

sur le champ d’instruction

à marathon

 

CHUTE LIBRE

d’une pente un peu abrupte

d’un versant un peu plus blanc

d’un pic aigu

 

(du plateau le plus haut possible)

 

où que tu tournes ton regard

qui que tu appelles

quelque nom que tu cries

 

tu te trouves toujours au milieu d’une histoire

contée par compère satan

 

LUMIèRE D’AOûT

la sagesse le cafard la mort

 

après l’année de la taupe

le poison de la lumière

au couchant

 

IMPRESSION. SOLEIL LEVANT

les jeux sont faits

tu attends le numéro

la bille roule dans la direction

sud-sud

 

tu invoques

l’odeur pestilentielle de la journée

l’armistice de la lumière

tu provoques l’attente

le hasard

tu passes l’épreuve du feu

l’épreuve de l’eau

tu perdures

LES LIAISONS DANGEREUSES

tu regardes

de petits ronds de fumée

monter des autels

vers le ciel

 

tu regardes tourner

de petits ronds de lumière

d’où le dieu morose te parle

et où la déesse

est prête à t’enlever –

 

SIRèNES

le brouillard descend

 

les immortelles

déchirent avec leurs dents

un petit dauphin

argenté

 

tu navigues en suivant le vol des oiseaux

sans ignorer

les signes

 

pourtant le commerce des olympiens

te semble toujours moins sûr

les liaisons avec eux

dangereuses

 

LA PêCHE MIRACULEUSE

des flots salés

l’odeur de chair vivante

et de rut

 

TATOUAGE

les sourds avec les sourds

les aveugles avec les aveugles

 

le soleil

à travers la transparence du rêve

pétrifié

ÉPIPHANIE

traces dans la poussière des champs:

 

au bout de la ville

la dissertation dominicale

du vent –

 

la rencontre

avec un petit dieu bavard

fraîchement sorti de l’oeuf

dans le nid de l’hirondelle

d’eau

 

LE LION EN HIVER

le lion en hiver : pieds de veau

corps d’aigle museau yeux d’agneau

 

dans les yeux l’ondoiement du trèfle

dans les narines l’odeur des mauves de mai

dans l’oreille un bourdonnement d’abeilles sauvages

sur la langue le fourmillement

des termites –

 

mais de l’énorme entonnoir du ciel rien que

du bleu rien que du rouge liquide

rien que du vent et du sable

dans les orbites vides dans le crâne dans

le thorax entre les côtes

chaque jour plus blanches

chaque jour plus longues

plus minces

 

Traduceri de Maria ŢENCHEA