Une porte ouverte
– Tu vivras encore quelque temps
avant de connaître ta fin
que tu te prépares toi-même.
tu es un homme, moi non.
Il n’y a aucun contrat entre nous ;
le seul exemplaire que j’aie écrit
sur pierre
il n’y a que moi qui l’ai signé,
tu n’en a pas accepté les conditions –
chaque jour la distance
entre le sens de nos paroles augmente…
Je suis une porte ouverte
que tu ne peux contourner
pas même par la mort.
Tu ne trouveras aucun concept
qui conteste l’évidence,
les synonymes ne font qu’accroître la consistance
de ce générique ancestral.
Dialogue avec le poète Aurel Pantea,
à l’autre bout du fil
– Que fais-tu, mon vieux, comment tu supportes
ta brèche de réalité – j’écris, c’est-à-dire je me laisse envahir
par les signes qui prédisent
un autre type d’enchaînement, – c’est bien, si tu écris
c’est que tu ne te laisses pas vaincre,
que tu ne te rends pas – je me suis rendu depuis longtemps,
sauf que la réalité ne le sait pas
– ce n’est pas possible,
la réalité n’a pas besoin de prisonniers,
de déserteurs, de morts imaginaires –
écris sur cela, – je ne le peux pas aussi longtemps
que ma vie aussi aplatit l’absurde
d’illusions, aussi longtemps que je joue avec la pensée de choisir
entre la mort et elle – la réalité est subjective,
elle a une conscience et s’en fait des problèmes –
nous ne sommes pas égaux, chacun supporte comme il peut
sa portion de précarité.
– Écris sur cela aussi,
avec compassion et acceptation.
Octobre 2004
Des yeux luisants flottant dans le brouillard,
aucun corps saisissable aux alentours,
les sons n’ont pas de cohérence, peut-être ils n’existent même pas,
mais l’esprit fébrile essaie de les ordonner
dans un sens qui range la terre sous les plantes des pieds,
postule la réalité des sensations
et la matérialité du monde,
alors j’entends des branches d’encre de Chine craquer sourdement
comme sous des édredons épais de laine,
quelque chose passe tout près
et l’eau sous la peau
se fronce de froid,
les hiboux sont eux aussi impuissants,
le brouillard s’assied sur leurs yeux
et il n’aperçoivent pas le gibier,
leur chant triste remplit la marge du monde
dont on n’a pas encore coupé les arbres -,
le cœur met en marche ses sonars
et scanne le chemin vers chez soi.
Version française: Letiţia Ilea